Histoire Plan du parcellaire remembré de la commune de Plozévet, section YA, 1965, 2167 W 53 Constituées de parcelles modestes (80% des exploitations font moins de 20 hectares en 1955), aux formes irrégulières et enclavées, l’exploitation de type familial est de loin, le modèle le plus répandu dans les campagnes françaises des années 1950. Ce morcellement important des terres apparaît cependant en décalage avec les ambitions européennes du gouvernement, qui souhaite faire du pays la première puissance agricole du futur marché unique. Le bocage finistérien, entrecoupé de talus et de haies reste à l’époque peu adapté aux nouveaux moyens de production alors en plein développement (tracteur, moissonneuse, intrants chimiques). Les revenus générés, d’une manière générale trop modestes, créent un écart significatif avec le reste de la population. Enfin, l’absence de retraite agricole entraine un vieillissement de la population active du secteur, phénomène amplifié par l’exode rural des plus jeunes. De 19 833 travailleurs agricoles comptabilisés au recensement de 1954, le Finistère passe à 17 500 en 1961. Ce constat, fait à l’échelle du pays, incite les pouvoirs publics à promouvoir un modèle agricole jugé plus conforme à ses aspirations européennes, tout en garantissant un niveau de vie acceptable aux exploitants. Les lois d’orientation de 1960 et 1962, à l’initiative du ministre de l’Agriculture Edgard Pisani, vont favoriser la réorganisation du domaine foncier agricole au moyen notamment du remembrement, et permettre à terme la réduction des coûts d’exploitation, ainsi qu’une hausse de la production. Elles encouragent, entre autres, la constitution d’exploitations plus grandes, rationalisées, et mieux adaptées aux outils de production modernes. Procédé courant dans les campagnes durant les années 1950 (décret de 1954), le remembrement va cependant prendre une toute autre ampleur pendant les décennies 1960 et 1970. Département concentrant une forte activité agricole, la campagne finistérienne va dès lors opérer une profonde mutation sous l’impulsion des municipalités candidates au programme. L'administration et les impacts du remembrement Arrêté portant constitution d'une commission communale de réorganisation foncière et de remembrement dans la commune d'Arzano, 1965, 1129 W 23 Localement, des Commissions communales d’aménagement foncier (CCAF) composées d’élus (dont le Maire), d’agriculteurs et de membres de l’administration, sont chargées d’instruire les projets de remembrements en garantissant les droits et les intérêts de chacun. Les changements sont radicaux : les parcelles sont fusionnées et regroupées autour des bâtiments d’exploitation, la desserte redéfinie pour favoriser le passage des machines. À Ploudalmézeau, 1925 ha sur 1940 ha sont remembrés, supprimant 2520 ilots de terres enclavéés. l’exploitation de taille moyenne (20-40 ha) se généralise. Entre 1961 et 1978, la surface cultivable finistérienne est passée de 376 000 ha à 405 500 ha. Le déploiement du remembrement a permis une hausse de la production associée à une diminution des coûts, assurant à la France le leadership du marché agricole européen. Mais en recomposant la propriété agricole, il a suscité de vives oppositions parmi la population, et de nombreux conflits entre cultivateurs, tout particulièrement dans le Finistère où les exploitants étaient le plus souvent propriétaires de leurs terres. Un bouleversement écologique Déplacement des talus en limite de propriété, illustration extraite du rapport sur "la campagne bretonne et le remembrement...l'exemple de Cléden-Poher", avril 1974, 1680 W 1-1 Révolution culturelle dans la manière d’appréhender l’agriculture, sociologique de par son impact sur l’organisation sociale des terroirs agricoles, le remembrement a également bouleversé l’équilibre écologique des campagnes finistériennes : destructions de haies, de talus, travaux de voiries et de drainages ont parfois entrainé la disparition du bocage et de la faune qui s’y abritait. À Saint-Thégonnec 15 km de chemin ont ainsi été tracés et 50 km de talus arasés créant de fait un nouveau paysage. En 1976, la prise en compte de l’environnement dans les projets de remembrements devient un impératif légal, la loi imposant aux CCAF la réalisation d’une étude d’impact dont les préconisations n’avaient cependant qu’un faible caractère contraignant. Malgré les chiffres excédentaires de la production et une remise en question du bienfondé de la procédure, le recours au remembrement se poursuit durant les années 1980-1990, avec cependant une prise en compte croissante des intérêts écologiques (loi paysage 1993). A consulter : Remembrement de Saint-Thégonnec, étude d'impact : rapports d'état initial et d'état final (1982), 1129 W 2 En 2005 le remembrement est abrogé et remplacé par la « procédure d’aménagement foncier agricole et forestier » ayant un triple objectif : « limiter le morcellement des terres agricoles, favoriser l’aménagement des territoires ruraux et communaux, et respecter les équilibres environnementaux et le devenir des paysages». Retour sur la collecte des archives du remembrement L'ensemble des archives relatives au remembrement rural a été versé par la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt, puis la Direction départementale des territoires et de la mer. La collecte a été réalisée en deux temps. Une première collecte en 1995 portant sur un échantillon géographique L'échantillon a été déterminé en accord entre la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt et les Archives départementales, en application de la circulaire AD72-3 (règlement pour le versement, le tri et la conservation des archives des directions départementales de l'agriculture), qui prévoyait la conservation des opérations les plus importantes. Le choix réalisé tenait compte de : la localisation des communes (littoral, centre...) la proportion des terres remembrées par rapport à la taille globale de la commune. L'ensemble des documents produits à l'occasion d'une opération de remembrement dans les communes retenues a été conservé. Seuls les plans de projets ont été versés, la DDAF ayant souhaité conserver les plans-calques définitifs. La collection de plans-calques a ensuite fait l'objet d'une élimination par le service en 2004, sans autorisation des Archives départementales ; les plans définitifs du remembrement sont néanmoins conservés dans la collection des plans du cadastre rénové, les opérations de remembrement étant systématiquement prises en compte pour la mise à jour du cadastre. Une seconde collecte en 2010 Elle a porté sur les documents relatifs au remembrement encore conservés par le service qui avaient été triés suivant la circulaire AD97-3 (traitement des archives des directions départementales de l'agriculture et de la forêt : archives des services chargés des opérations d'aménagement et d'équipement), à savoir conservation systématique de certaines typologies de documents pour chaque commune ayant fait l'objet d'une opération de remembrement. Le choix a été de conserver l'intégralité des documents collectés, compte tenu de l'impact des opérations de remembrement rural sur le territoire finistérien, à l'exclusion d'une collection d'actes de cession et de dossiers d'aides financières. Le classement Le répertoire est organisé autour de 3 entrées : la gestion des opérations au niveau de l'ensemble du territoire, contenant notamment les procès-verbaux de séance de la Commission départementale du remembrement rural. les travaux communaux, dossiers classés par commune, puis les phases du projet : avant-projet, mise en oeuvre, travaux connexes, contentieux devant le Tribunal administratif et/ou le Conseil d'Etat, et enfin procès-verbaux finaux. les arrêtés relatifs aux associations foncières de remembrement, qui regroupent les propriétaires dans le périmètre du projet. A savoir Les dossiers sont classés à la commune lors du remembrement rural : si la commune a fusionné avant il faut chercher à la nouvelle commune ; si elle a fusionné après il faut chercher à l'ancienne commune. Accès aux documents Les dossiers sont communicables, à l'exception : des procès-verbaux finaux : communicables 50 ans à compter de la date du document. des dossiers de contentieux : les noms des parties prenantes sont librement communicables passé un délai de 50 ans et les dossiers d'affaires passé un délai de 75 ans à compter de la clôture du dossier. Ils sont consultables sous forme d'originaux, en salle de lecture de Quimper. A savoir Les plans définitifs du remembrement sont accessibles dans le répertoire méthodique du cadastre rénové Exemple de dossier : le remembrement de la commune de Goulien La classification des dossiers Tous les dossiers communaux sont organisés selon une nomenclature interne décrite ci-dessous (001...), sachant que tous les dossiers ne comprennent pas tous les documents de la nomenclature : 001 - Délibération du Conseil municipal demandant le remembrement 002 - Constitution de la Commission communale : arrêté préfectoral, listes des membres 003 - Délibérations de la Commission communale, correspondant aux procès-verbaux des séances 004 - Enquête sur le périmètre, arrêté ordonnant le remembrement 005 - Enquête sur la reconnaissance et le classement des sols : plans 006 - Hypothèques : relevés de formalités, demandes de transcriptions 007 - Mutations 008 - Enquête sur le projet : registre d'enquête, réclamations 009 - Etat civil : extraits d'actes des propriétaires 010 - Enquête en Commission départementale : plans, réclamations, procès-verbaux 011 - Situation des travaux 012 - Clôture des opérations : arrêté de fermeture, de dépôt des plans en commune 014 - Affaire à soumettre à l'examen de la Commission communale 016 - Vérification par le Génie rural 017 - Chemins (d'exploitation et ruraux) 018 - Sites classés (archéologiques, monuments historiques) 019 - Indemnités viagères de départ : dossier de demande 020 - Groupement forestier 021 - Orthophotoplan 050 - Fixation des dépenses et des marchés 051 - Acomptes au géomètre 052 - Frais généraux 053 - Recouvrement 061 - Vérification sur la reconnaissance et le classement des sols, la polygonation, l'implantation du projet : rapports 063 - Cadastre : relations avec le service du Cadastre pour la prise en compte de l'imposition 070 - Correspondance (objets généraux) L'avant-projet Plan d'enquête, 1956, 1693 W 80 L'avant-projet a pour objectif de délimiter le périmètre et de dresser un état des lieux des parcelles. Le dossier est le plus souvent constitué de plans, puis à partir de 1976 une étude préalable en lien avec l'environnement. La mise en oeuvre Procès-verbal de la Commission communale de réorganisation foncière et de remembrement, 28 octobre 1954, 1680 W 152 Contient les dossiers de séance de la Commission communale : procès-verbaux, réclamations. Si le propriétaire est en désaccord avec la Commission communale, il dépose une réclamation qui est examinée par la Commission départementale. Les travaux connexes Tous les documents relatifs aux travaux liés aux décisions de remembrement : création, modification, empierrement ou bitumage de chemins ruraux ou d'exploitation, travaux d'hydraulique pour le drainage, chemins de randonnée, arrachage des haies et arasement des talus. Ces dossiers sont constitués principalement de plans et de pièces financières. Article de presse concernant "l'action pour la vérité sur le remembrement de Goulien", 1963, 1680 W 433 Projet d'échange amiable : plan, 1963, 1680 W 433 Le contentieux Le Tribunal administratif est saisi en cas de désaccord avec la Commission départementale ou pour effectuer une correction sur le procès-verbal. En cas d'appel, c'est le Conseil d'Etat qui est compétent. Ces dossiers sont soumis à un délai de communicabilité : les noms des parties prenantes sont librement communicables passé un délai de 50 ans et les dossiers d'affaires passé un délai de 75 ans à compter de la clôture du dossier. Les procès-verbaux finaux Il s'agit des procès-verbaux définitifs, actant la propriété des nouvelles parcelles. Il se présente sous la forme d'une fiche par compte de propriétaire, mentionnant ses anciennes propriétés et les nouvelles. Procès-verbal de remembrement de la commune de Goulien, 1961, 1471 W 28 Pour en savoir + Rapport sur le remembrement finistérien "100 000 ha. remembrés", Direction départementale de l'agriculture, Commission départementale du Remembrement, 1970, 1680 W1-1 Rapport "La campagne bretonne et le remembrement : l'exemple de Cléden-Poher, par Jean-Michel Parlier, maire de Cléden Poher, Direction départementale de l'Agriculture, avril 1974, 1680 W 1-1 Rapport "L'aménagement foncier, ses acteurs, son développement, son financement", Direction départementale de l'agriculture et de la forêt, janvier 1985, 1680 W 1-1 Dépliant du Ministère de l'Agriculture "Le remembrement, ce que vous devez savoir", 1979, 1680 W 1-1