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Histoire

Figure locale incontournable du XIXe siècle, c'est à la suite d'ordonnances royales de 1821, et 1822, qu'est créée la fonction d'architecte départemental. Chargé de construire et entretenir les bâtiments civils et publics du département sous l'autorité du préfet, son statut est spécifique. Se situant à la fois dans la sphère publique et privée, l'architecte départemental, rémunéré par l'État, garde la possibilité de poursuivre une activité libérale.

Nommé par le préfet après examen par la commission départementale des bâtiments civils, l'architecte départemental est, la plupart du temps, un ancien élève de l'École des beaux-arts de Paris sélectionné pour sa réputation dans le libéral.

Dans le prolongement de la Révolution française, il s'agit de construire un discours sur la modernité, le plus souvent républicain, à travers le cadre bâti. Les bâtiments civils deviennent, dès lors, les vecteurs premiers de cette diffusion et l'architecte départemental, un maillon essentiel à la mise en forme de ce programme fonctionnel et idéologique.

Dans ce paysage, Joseph Bigot (1807-1894) mène une carrière exemplaire tout en présentant un parcours quelque peu atypique. Tourné très tôt vers le dessin puis l'architecture, il n'a pas pour autant suivi les cours de l'École des beaux-arts de Paris. Il est formé à Nantes par Saint-Félix Seheult, architecte du département de la Loire-Inférieure, à qui l'on doit notamment l'ancien palais de justice de Nantes devenu l'hôtel Radisson Blu.

Natif de Quimper, Bigot revient après son apprentissage dans le Finistère où il a des soutiens comme le comte Jean-Marie de Silguy, ingénieur des Ponts et Chaussées en charge du chantier du canal de Nantes à Brest. Il y prend en 1835 le poste d'architecte du département nouvellement créé. Il restera dans cette fonction jusqu'à sa retraite en 1873. Il sera plus encore attaché au poste d'architecte diocésain qu'il occupera 55 ans, de 1837 à 1892.

Durant sa longue carrière, il bénéficie de la bienveillance et de l'influence de ses relations très implantées dans la vie locale ce qui concourt à sa longévité. Pourtant, non issu du sérail, il fut plusieurs fois remis en cause par les autorités centrales qui n'arriveront toutefois jamais à l'évincer du fait notamment, du soutien sans faille de l'Évêché et de la Préfecture.

Menant en parallèle une activité libérale, on lui doit entre autres le château de Keriolet (1863-1883) commandé par la princesse russe Zinaïda Ivanova Ioussoupova, les flèches de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper (1854-1856) dans sa mission d'architecte diocésain et le musée des beaux-arts de Quimper (1867-1872) en tant qu'architecte départemental.

Du point de vue théorique, Joseph Bigot adopte les positions répandues de son temps. En matière de restauration, il est relativement interventionniste et démolisseur à l'image de Viollet-Le-Duc, rejetant la plupart du temps les ajouts à un monument antérieurs à la Renaissance, sauf lorsqu'il s'agit de faire des économies substantielles en les conservant. En matière de construction, il fait preuve d'un certain éclectisme, mais s'attache à de nombreux programmes fonctionnels très ancrés dans son époque. Le château de Keriolet se distingue toutefois de ses autres réalisations.

Alors aux alentours de sa 70ème années, Bigot a considérablement réduit son activité et se consacre presque exclusivement à cette commande, sans doute la plus originale et dont il restera le plus fier. Poussée par la princesse Ioussoupova dont la fortune est colossale, la construction se veut une pièce unique, loin des programmes récurrents de l'architecte. Une lettre du comte de Chauveau, époux de la princesse Zinaïda, indique la chose suivante : "La princesse ne serait pas désireuse de donner le plan et dessins de Keriolet pour le voir exécuter ailleurs. Elle tient à ce qu'il soit unique. Elle craint d'ailleurs que la copie soit de l'à peu près et discrédite votre oeuvre1".
Le château, très personnalisé, va opter néanmoins pour une réinterprétation du gothique flamboyant breton des XVe et XVIe siècles. "Ce sera une oeuvre complète, un monument tout breton, élevé à cette époque où la France s'est unie à la Bretagne [...] Telle est, cher monsieur Bigot, l'économie générale de ce projet qui doit achever votre oeuvre et rester un monument de pur style Louis XII et de la reine Anne en même temps qu'un musée historique de cette époque2", écrit Charles de Chauveau le 6 mai 1880.

En 1883, l'achèvement du château de Keriolet marque en trompe-l'oeil le point d'orgue de la carrière d'architecte de Joseph Bigot. Ce programme original éclipse une carrière dense mais relativement sage avec peu de réalisations monumentales et un style soumis aux règles néo-classiques. Il n'en demeure pas moins que Joseph Bigot qui s'éteint dans sa ville natale en 1894, a laissé une très forte empreinte dans l'architecture civile et religieuse du Finistère. 

Lettre du comte Charles de Chauveau à Joseph Bigot, 1er novembre 1871. Archives diocésaines de Quimper et Léon, 8 L 2.
Idem.

Composition du fonds

Mémoires et rapports de travaux, cahiers des charges et concours, devis et métrés, plans et croquis, comptabilité et correspondance, le fonds Bigot autorise une lecture fine du travail de l'architecte départemental, mais aussi une approche de son activité libérale ainsi que de sa mission d'architecte diocésain. Les 2,16 mètres linéaires du fonds, répartis en 20 articles, sont denses. Il existe de nombreuses sources complémentaires permettant de retracer le parcours de Joseph Bigot que l'on suit de 1827 à 1898 grâce au 122 J.

À noter plus particulièrement les différents fonds conservés aux Archives diocésaines de Quimper et Léon, notamment dans la sous-série 8 L où l'on trouve une riche collection de plans et une belle correspondance de l'architecte.

 Voir l'inventaire des plans des architectes Joseph et Gustave Bigot conservés au sein des Archives diocésaines de Quimper et Léon (bâtiments religieux)

 Voir l'inventaire des plans des architectes Joseph et Gustave Bigot conservés au sein des Archives diocésaines de Quimper et Léon (bâtiments privés)

  Lien vers l'état des fonds de la série J

Quelques images du fonds

Cliquez sur les images pour les agrandir

Projet de nouveau prétoire à la maison centrale de Landerneau. 1869-1883. Archives départementales du Finistère, 122 J 6.
Projet de porte de cellule à la maison centrale de Landerneau. 1878-1883. Archives départementales du Finistère, 122 J 7.
Plan du pensionnat Sainte Marie de Quimper. 1835-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 10.
Plan du Likès à Quimper. 1835-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 10.
Projet de lavoir public à Pont-l'Abbé. 1835-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 10.
Projet de marchés couverts et d'un pont sur le Steïr à Quimper. 1835-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 10.
Plan d'ensemble du projet de marchés couverts et d'un pont sur le Steïr. 1835-1884. Archives départementales du Finistère, 1835-1884, 122 J 10.
Projet d'une halle à Douarnenez. 1835-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 10.
Projet de musée des beaux-arts de la ville de Quimper. 1867-1874. Archives départementales du Finistère, 122 J 13.
Plan du rez-de-chaussée du tribunal de Quimper. 1839-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 19.
Esquisse du premier étage du tribunal de Quimper. 1829-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 19.
Plan du premier étage du tribunal de Quimper. 1829-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 19.
Plan d'un escalier du tribunal de Quimper. 1829-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 19.
Plan de la façade du tribunal de Quimper. 1829-1884. Archives départementales du Finistère, 122 J 19.