Le Château de Kerjean

Histoire du domaine

Château de Kerjean, dessin à la plume, 1906 (11 Fi 20)

Situé sur la commune de Saint-Vougay, dans le Léon, le château de Kerjean appartient depuis 1911 à l'État, qui en a confié la gestion au Département du Finistère. Depuis 2006, c'est l'EPCC "Chemins du patrimoine" qui a en charge le domaine.
Le XVIe siècle en Bretagne est marqué par une période de prospérité grâce à une économie florissante : industrie du textile, pêche, construction navale, agriculture… sans oublier l’importance du commerce maritime. La famille Barbier s’enrichit et connaît une importante ascension sociale. En 1521, Jean Barbier obtient un domaine en guise de remboursement d'un prêt consenti au baron Henry de Penmarc’h. Ce domaine est pourvu d’un manoir, d’un bois et d’un moulin mais également d’un droit de haute justice matérialisé par les piliers patibulaires. Jean Barbier demande au roi François Ier en 1536 de pouvoir exercer sa juridiction sur ces terres : il peut alors exercer la haute justice et faire construire une résidence fortifiée, ce qu’il n’a pas le temps de mener à bien, il meurt en 1537. Son fils aîné, Louis, hérite du domaine et de la fortune de son oncle et tuteur, Hamon Barbier, chanoine de Saint-Pol-de-Léon, Quimper, Tréguier et Nantes et abbé de Saint-Mathieu de Fin-de-terre.
Plusieurs membres de la famille Barbier occupent des postes importants dans la justice et le clergé ce qui leur permet de s’enrichir davantage et de tisser des liens forts avec la noblesse léonarde. A la tête d’un important domaine et héritier d’une grande fortune, Louis Barbier fait appel à un architecte pour bâtir une nouvelle demeure à la hauteur de ses ambitions sur les terres de Kerjean. Il s’agit d’un des premiers châteaux de style Renaissance érigés en Bretagne, bien qu’il conserve quelques éléments gothiques comme les meneaux des fenêtres. Il est cerné d’une imposante muraille conçue pour résister à des tirs de canons. Durant les guerres de religion, Kerjean devient alors une base militaire qui accueille les partisans du Duc de Mercœur.
Les conflits s’apaisent sur les terres léonardes dès 1594 avec la conversion du roi Henri IV au catholicisme. Louis Barbier meurt l’année suivante. Son héritier, René, se lie en 1605 à l’une de plus anciennes familles de Bretagne en épousant Françoise de Quélen. Il est nommé gentilhomme de la chambre du roi et chevalier de l’Ordre de Saint-Michel en 1611. A la demande de la famille, Louis XIII érige le domaine en marquisat en 1618. Deux générations ont suffi pour élever cette famille parmi les plus puissantes de l’Ouest breton. Cependant, les héritiers vont user la fortune du domaine et s’endetter lourdement.
La petite-fille de René, Gabrielle, épouse en 1688 le marquis Alexandre de Coatanscour. Tous deux vont relever le domaine et redonner vie au château laissé à l’abandon. Les générations suivantes continuent à faire briller Kerjean. Celle qui sera la dernière marquise de Kerjean, Suzanne-Augustine, est ouverte aux arts et aux idées des Lumières mais la Révolution éclate et cela ne lui évite pas de se faire arrêter et guillotinée à Brest en juin 1794. Le château sert alors de garnison avant que les fortifications ne soient en partie démantelées et le bâti endommagé.

Le mobilier est vendu puis le château également, comme bien national en 1799. Il devient ensuite propriété de la famille Brilhac qui n’a pas les moyens de procéder à sa restauration. Ils démolissent une grande partie de l’aile des arcades et vendent les matériaux.
Au début du XXe siècle, le château appartient à Charles de Coatgoureden, maire de Saint-Vougay. Il y accueille l’Union régionaliste bretonne en 1905 pour son congrès. La cour sera également occupée par les spectacles du Bleun-Brug, association créée par l’abbé Perrot pour défendre la langue et la culture bretonne. Mis en vente à la mort de Charles de Coatgoureden en 1907, l’État acquiert le château en 1911 et le fait classer Monument historique. L’association des Amis de Kerjean est créée en 1916 afin de promouvoir le château, d’en assurer sa mise en valeur et de collecter des éléments du patrimoine léonard. En 1953, l’association fait don du mobilier collecté à l’État. Des travaux sont peu à peu entrepris pour restaurer l’aile endommagée, le pavillon, le logis principal…
Aujourd’hui, le parc de 19 hectares est ouvert au public qui peut admirer ce qui témoigne encore à l’heure actuelle de la puissance passée des seigneurs de Kerjean : l’un des premiers châteaux bretons de style Renaissance, un superbe colombier, les piliers de justice, une fontaine et un puits inspiré lui aussi de l’époque de la Renaissance italienne.

Bibliographie

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