Issu d’une famille jacobite ayant émigré en France, Robert Sutton, chevalier de Clonard, est né à Wexford (Irlande), le 11 août 1751. Fils de Thomas Sutton, Comte de Clonard, négociant installé dans le Sud-Ouest, et de Phillis Masterson de Casteltown. Aux âpres joutes du commerce auxquelles s’adonna son père, Robert Sutton préféra le grand large et le pont des vaisseaux, ceux de la Compagnie des Indes. Ses voyages, de la Baltique à l’océan indien en passant par les Amériques, lui permirent d’engranger une solide expérience de marin. En 1775, sous les ordres d’un certain Jean-François De Galaup, Comte de La Pérouse, (déjà !) il participa à la libération du comptoir de Mahé. Sa conduite glorieuse incita le roi de France à lui octroyer une rente de 300 livres, mais le jeune officier préféra la croix de Saint-Louis ; la guerre d’indépendance américaine lui apporta celle de Cincinnatus. En 1784, à Brest, il travailla à l’armement de la « Boussole ». La grande expédition vers le Pacifique voulue par Louis XVI et prévue pour durer plusieurs années, était en cours de préparation. En 1785, pour le seconder sur la « Boussole », le Comte de La Pérouse choisit assez naturellement l’officier jacobite, un homme qu’il connaissait bien et sur lequel il ne tarissait pas d’éloges. Le commandement de « L’Astrolabe » fut confié au breton Paul-Antoine Fleuriot Vicomte De Langle. Le premier août 1785, les deux navires sortirent du goulet de Brest. Aux équipages se mêlaient de nombreux savants, des astronomes comme Joseph Lepaute d’Agelet et Louis Monge, des botanistes comme Joseph De la Martinière et Jean-Nicolas Collignon, des dessinateurs comme Gaspard Duche de Vancy et Jean-Louis-Robert Prevost. En décembre 1787, l’expédition connut un premier drame avec la mort de Fleuriot de Langle, attaqué par des indigènes alors qu’il venait s’approvisionner en eau sur l’ile de Tutuila (Samoa). Le chevalier de Monti, second de Fleuriot prit alors le commandement de « L’Astrolabe ». Les deux navires arrivèrent à « Botany Bay », l’actuelle Sydney australienne, le 26 Janvier 1788. Robert Sutton y remplaça De Monti aux commandes de « L’Astrolabe ». Quelques mois plus tard l’expédition connaîtra une fin tragique en se brisant sur les récifs de Vanikoro (îles Santa-Cruz, Salomon). Dès 1791, D’Entrecasteaux lança des recherches mais il faudra attendre l’année 1826 et plusieurs décennies de rumeurs plus ou moins folles avant que l’irlandais Peter Dillon ne trouve les premières traces. Suivront de nombreuses expéditions. On retrouvera sur le site dit de la « Faille », une fourchette portant les armoiries de Robert Sutton avec sa devise : « Fide et Fortitudine » : Loyauté et Courage. Texte par Henri Chalm, lecteur aux Archives départementales du Finistère. Le parcours de l'expédition La Pérouse Un testament mystique Pour un marin, pour un officier surtout, rédiger un testament était chose assez courante. Si le vaisseau arrivait à bon port, le document devenait obsolète. On trouve parfois, dans certains fonds notariaux, des testaments non-décachetés, preuve de la survie de leurs auteurs. L’expédition du Comte de La Pérouse fut déclarée officiellement perdue le 14 février 1791. On peut donc légitimement penser que le testament de Robert Sutton fut ouvert peu de temps après cette date. Laissons à ceux qui ont une profonde connaissance du sujet le soin de faire parler ce document. Il ne contient aucune révélation fracassante, mais conforte l’image d’un homme connu pour préférer l’honneur à la richesse. Le chevalier De Clonard était certes l’héritier d’une grande fortune mais, fidèle à sa réputation, il traversa la vie avec bien peu de choses : quelques malles, quelques actions de la Compagnie des Indes, quelques paniers de vin de Bordeaux et, du côté de Paris, un dépôt de fourrures, des habits de velours et une épée d’acier. C’est ce que révèle son testament mystique qui dormait dans le fonds de Maître Gerard, notaire royal à Brest, depuis près de 230 ans ; nous l’avons réveillé. Testament mystique de Robert Sutton déposé à l'étude de Maître Gérard, notaire royal à Brest, en 1785. Archives départementales du Finistère, 4 E 18/37 PrécédentSuivant