INFORMATION

Les fonds 1010W et 1011W concernant les maisons d’arrêt de Quimper et de Brest (1926-1990) , ont été transférés de Brest à Quimper.
En cours de traitement, ils seront à nouveau disponibles à la consultation, sur le site de Quimper, à compter du 29 avril 2024.

Les bals clandestins

Après le désastre de juin 1940, les Français font l’apprentissage d’un régime de restrictions qui s’aggrave de mois en mois et touche tous les aspects de leur vie quotidienne. Leurs distractions ne sont pas épargnées.

Le 25 juin 1941, une circulaire du ministère de l’Intérieur dans les Territoires occupés, interdit l’organisation et la tenue « des bals publics, apéritifs et thés dansants ». Relayée dans le département du Finistère par des arrêtés successifs en juillet 1941, janvier, février et juillet 1942, cette disposition est étendue le 18 janvier 1943 aux bals privés et bals de noces. Y sont particulièrement visés :

«les organisateurs, musiciens, danseurs et danseuses, ainsi que tous ceux qui mettront à quelque titre que ce soit un local quelconque à leur disposition».

Les élus locaux et agents de la force publique sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de veiller à son application.

1941-1944, la musique n’est pas à la fête ... et danser n'est plus autorisé.

Les sanctions infligées aux organisateurs et participants des bals clandestins, sont proportionnées à la nature et la gravité des faits :

  •  amendes, taxes à verser aux contributions indirectes, fermetures administratives des établissements (débits de boissons, restaurants, salles de danse…) ou confiscations d’appareils (phonographes, notamment) pour les organisateurs.
  • saisies d’instruments pour les musiciens, et internements administratifs en cas de récidive (pour les Finistériens, au camp de Voves, dans le département d’Eure-et-Loir).
  • convocations et admonestations des danseurs et danseuses, lorsqu’ils peuvent être identifiés.
Les multiples textes réglementaires édictés et les avertissements réitérés par voie de presse durant la période 1941-1943, témoignent de l’impuissance des autorités françaises à juguler le phénomène. Bravant les interdits, toute une jeunesse frustrée et avide de divertissements se retrouve, le temps d’un bal, pour oublier les tracas de la vie quotidienne.

Les autorités allemandes se tiennent généralement en retrait de ces questions franco-françaises. Conscientes de l’hostilité grandissante des populations à leur égard et plus préoccupées par le respect de l’heure du couvre-feu, il leur arrive parfois d’accorder des autorisations de dépassement pour les mariages, et même d’obtenir, par voie de réquisition, la restitution d’instruments confisqués aux musiciens retenus pour l’animation de leurs propres soirées.

Dans notre département cependant, l’intervention de l’armée d’occupation prend parfois une tournure beaucoup plus tragique. C’est le cas à Melgven, dans la nuit du 20 au 21 juin 1943, lorsque la troupe tire et blesse grièvement quelques danseurs parmi les cinq-cents participants assemblés autour d’un bal organisé à l’occasion du pardon annuel de la Trinité. C’est également le cas quelques mois plus tard à Audierne, le 2 janvier 1944, lorsqu’une patrouille allemande tire au travers d’une fenêtre de l’hôtel des Dunes où des jeunes gens participent à un bal clandestin, tuant l’un d’entre eux.

 

Des instruments saisis en nombre

Aux Archives départementales du Finistère, les dossiers des années 1941-1943 relatifs aux bals interdits font état de nombreuses saisies d’instruments. On y dénombre ainsi les mentions de confiscations temporaires ou définitives de cinquante-huit accordéons, six saxophones, trois banjos, trois batteries ou caisses de jazz, deux clarinettes, deux binious, un harmonica et un violon. À cet inventaire, il convient d’ajouter pour être complet, un piano mécanique et vingt phonographes, confisqués aux restaurateurs et débitants de boissons.

Confiés, selon les circonstances, aux mairies, gendarmeries ou justices de paix, les instruments peuvent y demeurer plusieurs mois, au grand dam de leurs propriétaires. Les plus audacieux tentent alors des recours gracieux auprès du préfet afin d’en obtenir la restitution, en contrepartie d’engagements solennels à ne plus animer de bals prohibés…

Contrairement à une idée répandue, les autorités provisoires installées à la Libération maintiendront pour un temps encore l’interdiction des bals. La jeunesse devra patienter quelques mois, jusqu’en novembre-décembre 1944, avant de s’adonner en toute liberté aux plaisirs retrouvés de la fête, de la musique et de la danse.

 

Quelques pièces issues de la correspondance de la Feldkommandantur 752

Correspondance avec la Feldkommandantur - Organisation de bals clandestins - 26 juillet 1943, 200 W 20/521
Organisation de bals clandestins, affaires Mme Cloarec et Le Goff à Carhaix-Plouguer - Juillet 1943, 200 W 20/562
Réquisition d'instruments de musique par la brigade de gendarmerie de Landudal, 12 novembre 1942. Correspondance avec la Feldkommandantur, 200 W 14

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