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Comité départemental des secours aux marins-pêcheurs et ouvriers d'usine (27 J)

Histoire

L'histoire du Comité départemental des secours aux marins-pêcheurs et ouvriers d'usine, en activité de janvier 1903 à février 1929, s'analyse à travers le contexte de la grande crise sardinière en Bretagne méridionale qui commence à la fin de l'été 1902. Cet épisode de pénurie de la sardine va accroître les difficultés des pêcheurs et du monde ouvrier dépendant de la pêche. La situation est telle que l'année restera dans les mémoires comme celle de la "famine bretonne".

La crise va également se trouver au cœur des luttes politiques, sociales et religieuses. Elle va susciter le développement de syndicats de marins-pêcheur et des personnels des conserveries, ainsi qu'un élan de solidarité nationale que les différents courants politico-religieux vont chercher à canaliser.

En 1902, l'absence de sardines n'est qu'un accident cyclique et la chute de la production est à relativiser eu égard à la forte augmentation de son prix au kilo. Mais la misère des pêcheurs sardiniers et des ouvriers des conserveries est endémique et le moindre accident annuel aggrave leurs conditions de subsistance.

À cette date, les ouvriers ferblantiers-boitiers subissent déjà de plein fouet les avancées de la mécanisation ; les usiniers introduisent de plus en plus de machines à fabriquer les boîtes menaçant leur avenir professionnel. "Les sertisseuses travaillent 300 à 400 boîtes à l'heure, quand un bon ouvrier en ferme 60 à 70...1". L'indifférence de certains patrons face à la détresse de la profession provoque des grèves violentes : le 14 juillet, l'usine Masson de Douarnenez est saccagée par les ouvriers en colère.

La situation sociale, explosive, est alors relayée par les grands médias nationaux à la suite d'une série d'articles de L'Illustration à l'été 1902. La crise sardinière devient une grande cause nationale. Républicains et catholiques multiplient dès lors les gestes de solidarité tout en s'affrontant à fleurets mouchetés pour emporter l'adhésion des marins-pêcheurs et ouvriers des conserveries.

Côté républicain, les députés du Finistère Georges Le Bail et Louis Hémon sont particulièrement actifs. Ils présentent une proposition de loi à la Chambre pour débloquer une aide de 2 millions de francs en faveur des marins-pêcheurs. L'aide réclamée à l'État est votée le 23 janvier 1903. Elle se monte à 500 000 francs, mais l'élan de solidarité national et au-delà - le tsar Nicolas II verse 25 000 francs - va générer plusieurs millions de collecte. Un comité officiel est créé le 9 janvier 1903 pour accueillir et répartir ces sommes. On fait appel à des personnalités jugées qualifiées pour venir en aide à la population touchée. Le Comité de secours aux marins-pêcheurs et ouvriers d'usines regroupe les députés et sénateurs du Finistère, le préfet et les sous-préfets, les maires des chefs-lieux d'arrondissement, les conseillers généraux des cantons concernés, les maires des communes littorales entre Camaret et Clohars et les directeurs des journaux du département chargés de récupérer les souscriptions. James de Kerjégu, député républicain de Quimperlé et président du Conseil général, est nommé à la présidence du comité. Georges Le Bail, député radical et Émile De Lécluse-Trévoëdal, maire catholique d'Audierne, sont nommés vice-présidents. Une présidence d'honneur est attribuée à l'amiral Roustan, préfet maritime de Brest ainsi qu'au préfet du Finistère, Collignon.

Toutefois, les catholiques ne voient pas d'un bon oeil ce comité officiel où siègent trop de radicaux. L'Église qui n'y est pas représentée se sent méprisée et l'évêque de Quimper, Mgr Dubillard, crée un second comité. De nombreux catholiques s'y rallient à l'image de Paul Claudel, alors consul en Chine, qui écrit n'avoir aucune confiance dans le comité officiel. Le comité diocésain va parvenir à distribuer en deux ans près de 300 000 francs, loin toutefois des 2 millions de francs or alloués à son concurrent officiel entre 1903 et 1907.

Le fonctionnement du Comité départemental est néanmoins chaotique, victime des conflits politiques et de personnes en son sein. Véritable instrument électoral, chacun des membres cherche à récupérer le maximum de fonds pour sa ville, son canton ou sa circonscription. Il en va de même dans chaque comité local. Ces dérives ont tendance à paralyser son action, les réunions sont souvent très houleuses et en 1908, date à laquelle le comité décide d'arrêter l'aide financière directe en raison de l'amélioration de la situation, il reste plus de 600 000 francs en caisse. En 1917, après six ans d'interruption, les comptes continuent d'afficher plus de 500 000 francs en caisse. 

Dans une ambiance toujours aussi agitée, le Comité départemental des secours aux marins-pêcheurs et ouvriers d'usines est dissout le 2 février 1929, après avoir distribué les derniers fonds. Acteur majeur de la réponse apportée par les autorités à la crise sardinière, il aura permis de soulager la détresse sociale d'une partie de la population portuaire finistérienne, sans toutefois peser de manière significative sur la résorption des causes profondes d'une telle crise. Est néanmoins à mettre à son crédit le soutien à la création d'une coopérative de marins-pêcheurs en 1913, une action sur la constitution de caisses de prévoyance et l'allocation de 400 000 francs au Crédit Maritime en 1920.

1Jean-Michel Le Boulanger, Douarnenez de 1800 à nos jours. Essai de géographie historique sur l'identité d'une ville. Rennes : PUR, 2000, p. 212. [Cote : Q8MM 281].

Composition du fonds

Le fonds permet une étude fine du Comité départemental des secours aux marins-pêcheurs et ouvriers d'usine et des comités locaux qui en dépendent sur toute la période de leur activité (1903-1929).

En tant qu'organe centralisateur des aides en direction des populations maritimes en difficulté du département, il devient un acteur privilégié dans l'observation de ce monde littoral qui vit de la pêche et du travail procuré par les usines, notamment les conserveries.

Le fonds rend donc possible un travail de recherche bien au-delà de la simple analyse du fonctionnement du comité. Il donne la liste des inscrits maritimes et du personnel usinier employé sur la période, compile la répartition des effectifs par commune sur tel ou tel type de pêche et rend possible l'établissement d'une cartographie de la souffrance du monde maritime finistérien, notamment sur un territoire couvrant le littoral cornouaillais (27 J 16).

D'autres pistes d'études sur le début du XXe siècle sont possibles à partir du fonds :

  • la vie des populations ouvrière des conserveries
  • les techniques de la pêche
  • les luttes politiques et son personnel...

Les deux séries de documents numérisés sur cette page, correspondant au lancement du comité en 1903 et à sa dissolution en 1929, illustrent de manière claire les enjeux de pouvoirs politiques à l’œuvre dans le comité.

  Lien vers l'état des fonds de la série J 

Quelques images

Compte-rendu des débats de la séance du comité du 2 février 1929. Archives départementales du Finistère, 27 J 1.

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