Skip to main content

Le riche parcours professionnel de Jean Le Rumeur offre la possibilité d'un éclairage sur trois questionnements économiques au tournant des XIXe et XXe siècles :

  • celui des salaires du secteur public et du secteur privé,
  • celui de la mise en place des retraites et du montant des pensions,
  • et celui de l'émergence des métiers du conseil qui se fait jour avec la révolution industrielle et les logiques croissantes d'optimisation des productions.

Jean Le Rumeur naît le 29 septembre 1854 à Morlaix. En 1872, il est nommé agent voyer cantonal à Sizun. Sa profession, issue de l'Ancien Régime où on lui destinait le terme de voyer, se structure au sein de la fonction publique durant le XIXe siècle. Officier préposé à l'entretien des voies publiques avant la Révolution, la mission est confortée sous la houlette du Ministère de l'Intérieur. Il s'agit désormais de techniciens ou d'ingénieurs chargés par la loi du 21 mai 1836, de la construction et de l'entretien des chemins vicinaux1.

Nommés par les préfets de départements, les traitements des agents voyers sont fixés par les Conseils généraux. Les agents peuvent également travailler pour le compte des municipalités contre rémunérations complémentaires. On parle d'agents voyers pour les campagnes et d'architectes voyers pour les villes.

 

Dans ce corps, Jean Le Rumeur effectue une belle carrière. Agent voyer cantonal de 3ème classe en 1872 à ses débuts, il passe par Sizun, Carhaix, puis, en 1880, est nommé au Huelgoat où il restera 27 ans avant d'être nommé agent voyer d'arrondissement à Châteaulin, puis à Brest en 1908 où il terminera sa carrière au grade d'agent voyer d'arrondissement hors classe. Il fait valoir ses droits à la retraite le 1er octobre 1913 après 40 ans et 10 mois de service. Durant sa carrière, il fut également reçu au concours de conducteur des Ponts et Chaussées en 1880. Nommé à la subdivision du Huelgoat en 1881, il y restera jusqu'à la suppression de cette dernière en 1905.

L'année qui précède sa retraite, Jean Le Rumeur devient maire du Huelgoat (élu le 5 mai 1912, il démissionne en septembre 1917) et débute une seconde carrière professionnelle comme consultant dans le secteur privé jusque dans les années 1930. Cette période de sa vie nous renseigne sur le système de retraite en vigueur et le montant des pensions.

Contrairement au secteur privé où le développement de l'assurance vieillesse sera beaucoup plus lent, la loi du 9 juin 1853 organise un régime de pension par répartition des fonctionnaires gérés par l'État et fixe l'âge normal de départ à la retraite à 60 ans. Pour Le Rumeur, un arrêté du 4 juillet 1912 le nomme agent voyer d'arrondissement hors classe au traitement annuel de 5500 francs. À sa prise de fonction en 1872, en tant qu'agent voyer cantonal de 3ème classe, il recevait un traitement annuel de 1400 francs. Avec 3906 francs de pension de retraite annuelle allouée par la préfecture du Finistère, l'agent voyer fait figure de privilégié au sein de la population locale. Dans la période, un mécanicien au Creusot gagne environ 1500 francs par an et est considéré comme bien placé parmi les ouvriers ; un ouvrier agricole en Touraine gagne moins de 480 francs par an ; une bonne 480 francs en province ; un chauffeur 1800 francs ; un facteur rural, environ 900 francs et un professeur de faculté, environ 4000 francs ! En revanche, la mandature de Jean Le Rumeur s'effectue sans émolument. Même si la question ressurgit régulièrement à l'Assemblée, la loi de finance de 1912 n'apporte pas de réponse à la question de la rémunération des maires.

Quoiqu'il en soit et même si l'on ne connait les sommes qu'il perçoit pour ses travaux d'expertise, Jean Le Rumeur vit très confortablement de ses différentes sources de revenus. À la lecture du dossier, on comprend que ses rentrées d'argent annuelles sont supérieures au traitement qu'il percevait comme agent voyer à la fin de sa carrière. En effet, à la fin de la Première Guerre mondiale, une circulaire ministérielle du 11 avril 1917 fait appel aux fonctionnaires retraités pour occuper un emploi dans les services de reconstitution des régions envahies. Il est proposé à Jean Le Rumeur pour occuper cet emploi, une rémunération qui comblerait l'écart entre sa pension de retraite et son dernier traitement en activité. Le retraité de la fonction publique qui est alors âgé de 62 ans et se dit en bonne santé, s'empresse néanmoins de refuser en ces termes dans une lettre adressée au préfet du Finistère datée du 23 avril 1917 : "D'après la circulaire ministérielle la rémunération qui me serait allouée ne pourrait être supérieure à la différence entre mon dernier traitement d'activité (5500) et la retraite prodiguée pour (3906) soit : 1594 F2".

Malgré la ferveur patriotique de son écrit, cette rémunération n'est donc plus suffisante pour le notable qu'est devenu Jean Le Rumeur, qui plus est, très attaché au développement de sa commune et de ses environs.

Par-delà ces questions, la densité de ce parcours fait du fonds de ce fonctionnaire, une source d'information indirecte mais de premier choix sur la commune du Huelgoat et ses environs, notamment au début du XXe siècle. 

Bulletin des Lois du Royaume de France, Premier semestre 1836. Paris : Imprimerie Royale, 1836, pp. 193 à 200. [Cote : 1 K 103].

2Lettre de Jean Le Rumeur adressée au préfet du Finistère. 23 avril 1917. Archives départementales du Finistère, 123 J 1.

Composition du fonds

Dès la fin de sa carrière dans la fonction publique, Jean Le Rumeur commence à réaliser des travaux d'expertise pour des communes, des entreprises et des particuliers (bornage de terrains, études des sols, devis pour la construction ou l'agrandissement de maisons ou d'édifices) dans tout le département, avec une prépondérance de son activité sur la commune du Huelgoat et ses environs.

Son parcours en fait un fin connaisseur du territoire. La Société des Mines de Malfidano qui tente de redémarrer l'exploitation minière du Huelgoat et Poullaouen au début du XXe siècle, l'emploie comme correspondant. À la même période, il exerce le mandat de maire du Huelgoat. Son intérêt personnel rejoint alors la volonté de ramener une activité d'extraction minière créatrice d'emploi sur le gisement communal. Aucune reprise significative ne verra le jour avant la fermeture définitive en 1934, mais les travaux et la documentation laissés par Le Rumeur font de ses archives, un complément essentiel du Fonds des mines de plomb argentifère d'Huelgoat et Poullaouen (93 J) sur la dernière période d'activité du site. Reprenant les archives de ses prédécesseurs, les articles 123 J 14 à 16 couvrent une large période allant de 1840 à 1928, date à laquelle Jean Le Rumeur cesse son travail pour la société parisienne des Mines de Malfidano.

Les articles 123 J 4 à 13 donnent une idée très précise du large panel de ses activités d'expert avec quelques chantiers significatifs de la mutation du département (construction d'une centrale hydro-électrique sur l'Ellez à Saint-Herbot et mise en oeuvre d'un réseau de chemins de fer d'intérêt local).

L'article 123 J 1 nous offre la possibilité de suivre pas à pas la carrière de fonctionnaire de Jean Le Rumeur ainsi que sa reconversion à partir de 1913.

Deux derniers articles, 123 J 2 et 3, permettent, par-delà les questions économiques, de mieux comprendre encore la trajectoire de Le Rumeur, au travers de ses recherches sur les mégalithes de la région du Huelgoat et de divers actes de vente et baux dans la même région.

Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail

Rapport de messieurs Gruner et Rivot sur les mines de Huelgoat et Poullaouen. 1848.

Archives départementales du Finistère, 123 J 14.

Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail
Thumbnail